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libération, vendredi 21 novembre 2003

Heureux qui aux Ulis a posé ses bagages

«J'ai 10 ans» explore les rapports d'enfants d'immigrés à la multiculturalité.

Par Annick RIVOIRE

«Mon arrière-grand-mère, elle était noire, noire, noire. Ma grand-mère, elle travaillait dans les champs de coton. Mon arrière-grand-père, il avait plutôt la même couleur que moi, jaune acidulé. Moi, je suis quarteronne. Ça veut dire mélange de plusieurs pays, de plusieurs langues.» A l'écran, quatre vignettes d'une même fillette (photo), d'origine «espagnole, française, kabyle et antillaise», habillent ses mots d'images et de sons. Elle parle du Coran, du respect à apprendre, du voile à porter qui signe «l'engagement».

Le curseur se fait discret, une flèche pour passer à la scène suivante, un carré pour revenir au sommaire. J'ai 10 ans n'a rien à voir avec les sites qui attirent les enfants dans leur toile de couleurs vives. Pas assez ludique. Il donne un témoignage fort et authentique de ce qu'on nomme pudiquement «les enfants issus de l'immigration».

Nicolas Clauss, artiste surdoué du numérique, avait déjà commis Cinq ailleurs autour des immigrés de première génération, échange multimédia entre les témoignages des uns et le talent de l'autre (Libération du 15 août 2002). Poursuivant son périple en banlieue pas facile, Nicolas Clauss a cette fois posé ses valises digitales à l'Espace culture multimédia (ECM) des Ulis, pour s'intéresser aux enfants du centre de loisirs local. En tout, un peu plus de cinq mois de paroles et dessins des enfants de 8 à 12 ans, contre des boucles vidéo, du webdesign et une mise en scène multimédia.

L'air de ne pas y toucher, J'ai 10 ans explore des notions aussi complexes que la multiculturalité, l'acculturation, le racisme ou la transmission de la mémoire. Avec les mots des mômes, joyeux et curieux, pas vraiment conscients de la richesse de leurs racines plurielles (son père vient de Bamako, son fils ferait bien «docteur pour aider là-bas»).

Webdocu ou création numérique ? La patte de Nicolas Clauss, ses obsessions narratives (couleurs sombres, sarabandes et affichage des «recommandations» pour un visionnage plein écran, avec «une bonne acoustique et l'obscurité», du haut débit et un sacré processeur) fait basculer l'ensemble du côté de l'art.



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